POPULATION DOUBLEE

Le président des Amis du Parc Naturel Régional (PNR) du golfe du Morbihan va de mairies en mairies faire œuvre de pédagogie, trimbalant ses schémas sur paper-board et ses cartes photocopiées .Des cartes édifiantes. On y voit un golfe différent, un golfe de géographe. Avec ses gradients de pollution, ses dégradés de jeunes actifs et ses concentrations spectaculaires de résidences secondaires. Plus la mer approche, plus la situation empire.

Le golfe du Morbihan est une hydre à plusieurs têtes, dont la physionomie ne change pas seulement au gré des marées. Il y a le golfe tel que les Morbihannais aiment à se le raconter. Ses marais, ses vasières, ses légendes amarrées à chaque îlot, son inscription dans le club très sélect des « plus belles baies du monde ». Ses élus, fiers défenseurs de l’identité bretonne qui, en 1997, n’ont pas hésité à lancer une procédure de classement en PNR.

Et puis il y a un golfe plus prosaïque. Une région prise d’une étonnante frénésie d’urbanisation. Boom économique de l’agglomération vannetaise, attraction irrésistible du microclimat local sur la fine fleur du troisième âge français…En quarante ans, la population a doublé (150000 habitants aujourd’hui sur tout le bassin versant) et les surfaces urbanisées ont été multipliées par huit. Depuis les promontoires du Brouël sur l’île d’Arz, ou de la pointe du Trec’h sur l’île aux Moines, l’horizon est désormais grêlés de blanc : mats et haubans des escadres fantômes de voiliers, en mouillage permanent le long des côtes, ou crépis immaculés des pavillons néo-bretons trouant régulièrement les massifs forestiers.

Le golfe du Morbihan peut-il continuer durablement sur cette pente ? Certains pensent que oui. Depuis la loi littoral de 1986, les réglementations se sont multipliées, limitant drastiquement les possibilités de construction sur la bande côtière….

L’ARGENT DU BEURRE

Avec l’arrivée du projet de PNR, la région se trouve à un moment clef de son histoire. Soit elle continue sur la lancée, en se contentant de cautériser les plaies générées par un développement incontrôlé, soit elle opte pour une politique plus dirigiste, impliquant des changements profonds de comportement .Le projet de PNR le permet. Rédigé par une éqipe de passionnés, soutenu par quelques maires avant-gardistes, il propose de concevoir une ville nouvelle, réhabilitant densité, mixité et intervention publique,comme dans les plus beaux manuels d’urbanisme, en prenant l’exact contre-pied du modèle pavillonnaire.

Politique exemplaire pour les uns, politique utopique pour les autres…Pris de vitesse par la belle idée qui les a un peu dépassée, la plupart des élus sont dans l’expectative. Dans l’idéal en bons bretons, ils voudraient le beurre, l’argent du beurre, et la baratte de la crémière. Soit un PNR light qui valorise l’image du golfe…mais n’entrave ni le projet de doublement de la voie rapide Nantes-Brest, ni la floraison des « boites à chaussures » commerciales en entrée de ville. Problème : la ficelle a paru un peu grosse à Paris. Et le premier projet de charte, jugé insuffisamment contraignant, s’est fait retoquer en décembre dernier. Pour justifier son refus, le Conseil national de protection de la nature n’a pas pris de gants : « Le golfe est certes un patrimoine de renommée internationale, mais aussi un territoire très dégradé localement par une urbanisation déjà fortement développée. » C’est écrit noir sur blanc. Aux habitants de se choisir une destinée

Extraits d’un article du Nouvel Observateur du 1er Août 2007.

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